Vincent Tholomé ° 2

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di Vincent Tholomé (d’après Audubon)

(…) hier, étions dans le bureau de Mi, Im et moi, c’était le matin, fenêtres grandes ouvertes, il y avait du vent, soulevant du crâne de Mi une mèche de cheveux filasses, Mi assis bien raide à sa table couverte de paperasses dûment estampillées, à en-tête, soigneusement rangées en petits tas, ou faisant semblant de l’être, aucune feuille volante ne dépassant du rang ou s’envolant de la table, Mi prenant soin, comme toujours, de poser sur chaque tas un cendrier en cuivre rouge en forme d’étoile en provenance des colonies et de leurs mines à ciel ouvert où des milliers de bras oeuvrent et manoeuvrent, manipulent les marteaux-piques, 15 heures par jour, dans l’infernal vacarme, transportant des seaux de boues à évacuer, à déverser ailleurs, dans la savane inondée ou dans le fleuve charriant 1000 cadavres de buffles et de chèvres, le ventre en l’air et gonflé, tournoyant sur eux-mêmes au gré du courant fort, des rapides et des tourbillons, embarqués par la mousson, dirait-on, jusqu’à l’embouchure, l’océan puis l’Amérique, Mi, assis bien droit à sa table et engoncé dans sa chemise beige foncé, nous tançant, je ne sais pas pourquoi, nous reprochant de l’empêcher, lui, Mi, de vivre ailleurs, une vie simple et heureuse, près du fleuve Missouri ou Mississippi, ou bien au bord de la Volga, loin de notre fleuve Lualaba et de ses eaux charriant à l’heure 8000 cadavres d’ovins et de caprins, tombés des falaises, emportés par les boues, les crues, les flux de terres molles, épuisant les individus les plus robustes comme les autres, ruinant leur peau et leur pelage, les entraînant toujours plus loin des rives, des lieux de vie et de naissance, Mi, à voix basse, nous rappelant des choses, mais quoi ?, dans un grand monologue inaudible, fenêtres grandes ouvertes, laissant la ville et ses rumeurs, un petit vent frais et coquin, entrer, soulever une à une, à tour de rôle, les mèches légères garnissant le crâne de Mi, petites flammèches avides d’envolée, j’ai pensé, goguenard, avant de sortir, de quitter Im sans lui serrer la main, de revenir au monde salutaire, au fleuve, à ses pêcheurs hissant sur les berges leurs barques, coquilles de noix à voiles rectangulaires, petits bouts de tissu guère plus grands qu’une nappe ou qu’un set de table, taillant en pièces, eux autres, les poissons, les faisant cuire, mangeant leur chair abominable et ce jusqu’aux arêtes, heureux d’être revenus, d’avoir, une fois de plus, échappés, mais pour combien de temps encore ?, aux cargos, risquant toutes les nuits l’accident, le crash définitif contre les coques aveugles des pétroliers portant ailleurs, dans les lointains, leurs cargaisons de bidons d’huile empilés, de benzine ou de gasoil, sillonnant le fleuve, sans prendre garde, se perdant parfois dans ses méandres ou s’échouant, shazam !, sur un ban de sable, au beau milieu des crocodiles, des grands fauves et des hippopotames, j’ai pensé.

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Voce: Vincent Tholomé

Immagine: Andrea Inglese